– Encore un instant. Avant que nous ne rentrions, je voudrais vous parler de quelque chose que j’ai lu cette nuit. Peut-être cela vous intéressera-t-il. “L’arbre de vie était au milieu du jardin…”
– La Genèse, m’interrompit-il. Êtes-vous un esprit religieux, Ferenczi ?
– Non. Et ce n’est pas de la religion, c’est de la psychiatrie. » Je continuai : « “Lorsque Dieu créa l’homme et le vêtit en grand honneur, Il lui donna le devoir de s’attacher à Dieu afin d’être un et d’un cœur unique, uni à l’Un par le lien d’une foi unique qui lie tout ensemble. Mais, par la suite, les hommes se détournèrent du chemin de la foi et abandonnèrent l’arbre d’unité qui s’élève bien au-dessus de tous les arbres, s’attachant à cette région qui varie sans cesse d’une teinte à une autre, du bien au mal et du mal au bien. Ils descendirent d’en haut et s’attachèrent en bas à l’inconstant, abandonnant l’Un suprême et immuable. C’est ainsi que leur cœur, oscillant entre le bien et le mal, leur valut tantôt la miséricorde, tantôt la rigueur, selon leurs attachements. Le Saint, béni soit-Il, parla : Homme, tu as renoncé à la vie, et c’est à la mort que tu adhères. En vérité, la mort t’attend. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras point.” » Je me tus.
« Expliquez-moi ça ! m’ordonna-t-il.
– Méditer sur l’arbre de vie, la Tiferet, c’est trouver l’unité, la complétude, communier dans l’harmonie. Toucher la Tiferet, c’est faire l’expérience de l’unité transcendante du divin. Contempler l’autre, la Malkhut, c’est être déchiré et morcelé par le conflit, les tempêtes de l’esprit et de l’âme. C’est la désunion, la disharmonie. Nous y voyons une image de l’univers, la surface de contact entre le divin et le non-divin ; mais ce n’est ni l’un ni l’autre. » Je levai les yeux vers lui et lui souris : « Voilà notre culture, Jung. » Il ne voyait toujours pas bien ce qu’il pourrait en faire.
« Ce que vous me dites là, c’est un de vos rêves !
– Si c’est un rêve, ce n’est pas le mien. Cela vient du Zohar. La kabbale.
– Mais pourquoi me dites-vous cela ? » Il était de toute évidence très mal à l’aise.
« Lisez-le, mon ami. Freud l’a lu. » Me tournant vers la passerelle, je lui fis signe de passer le premier. « Quoique. Quand bien même vous le liriez, cela ne serait pas pareil. Le Zohar coule dans ses veines comme il ne coulera jamais dans les vôtres. »